jeudi 23 décembre 2010

Bernard Sesboüé, Frédéric Lenoir. Le match théologique

A lire sur cette page : http://www.lavie.fr/hebdo/2010/3408-3409/bernard-sesboue-frederic-lenoir-le-match-theologique-20-12-2010-12637_183.php


Qui est Jésus ?

Bernard Sesboüé, Frédéric Lenoir. Le match théologique

publié le 23/12/2010

Pour Frédéric Lenoir*, philosophe, sociologue et historien des religions, directeur du Monde des religions, l’appellation « Fils de Dieu » n’implique pas que Jésus ait été considéré par ses apôtres comme étant Dieu lui-même. Le théologien jésuite Bernard Sesboüé*, professeur au ­centre Sèvres de Paris, est de l’avis contraire. Nous avons interrogé l’un puis l’autre protagoniste et mis en regard leurs points de vue.

Que dit le Nouveau Testament sur la divinité de Jésus ?

Réponse de FRÉDÉRIC LENOIR. Les Évangiles synoptiques, écrits peu de temps après la mort de Jésus, le présentent comme « Christ, Seigneur et Fils de Dieu » pour reprendre le titre du livre de Bernard Sesboüé. Mais aucun de ces titres ne dit explicitement que Jésus est l’égal du Père, qu’il est Dieu fait homme. L’idée de l’incarnation apparaît plus tardivement, environ 70 ans après la mort de Jésus, avec le quatrième Évangile, attribué à Jean. Pour la première fois est affirmée clairement l’identité, et même l’égalité, entre le Père et le Fils, ce qui semble contredire les synoptiques. Paul, quant à lui, oscille entre les deux visions. Sa christologie est conforme à celle des synoptiques, mais certains hymnes poétiques semblent préfigurer la vision johannique, sans être aussi explicites.

Réponse de BERNARD SESBOÜÉ. Au lendemain de la Résurrection, il se produit une relecture chez les apôtres de tout le passé de Jésus. Leurs anciennes compréhensions de Jésus se cristallisent, le puzzle se met en place. Les apôtres réalisent qu’ils ont côtoyé Dieu lui-même ! Dès les écrits de saint Paul, les plus anciens du Nouveau Testament, c’est clair. Paul célèbre « le Christ selon la chair, celui qui est, au-dessus de tout, Dieu béni pour les siècles des siècles » (Romains 9, 5). Dans l’épître aux Philippiens, Paul reproduit une ancienne hymne catéchétique : le Christ, « de condition divine, n’a pas considéré comme une proie à saisir d’être l’égal de Dieu, mais il s’est dépouillé, prenant la condition de serviteur, devenant semblable aux hommes ». L’hymne raconte comment Jésus meurt sur la croix, et que Dieu lui donne ensuite le « nom qui est au-dessus de tout nom, afin qu’au nom de Jésus, tout genou fléchisse, chez les êtres célestes, terrestres et souterrains, et que toute langue confesse que le Seigneur, c’est Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le Père ». Par la suite, la théologie johannique développera la théologie de l’incarnation, mais je ne vois pas de rupture entre Paul et Jean.

Jésus a-t-il dit qu’il était Dieu ?

Réponse de FRÉDÉRIC LENOIR. Non. Il sait qu’il a un lien singulier avec Dieu, qu’il est le Fils bien-aimé du Père, qu’il est plus qu’un prophète, mais il ne se présente jamais comme l’incarnation de Dieu. Il se nomme lui-même le « Fils de l’homme », ce qui renvoie à un titre messianique, sans pour autant se faire l’égal de Dieu. Le sentiment que j’ai, en lisant et en relisant les Évangiles, mais sans certitude, c’est qu’il était en partie un mystère pour lui-même, comme il l’était pour ses disciples.

Réponse de BERNARD SESBOÜÉ. Non, car on l’aurait pris pour un fou. Mais il s’est dit « Fils de l’homme », ce qui a une valeur bien plus forte que s’il s’était dit « Fils de Dieu ». Lors de son procès, dans l’Évangile de Marc, à la réponse du grand-prêtre qui lui demande s’il est le Messie, le Fils du Dieu béni, Jésus dit : « Je le suis. Et vous verrez le Fils de l’homme assis à droite de la Puissance, venir avec les nuées du ciel. »

La divinité du Christ est-elle fondamentale pour un chrétien ?

Réponse de FRÉDÉRIC LENOIR. Tout dépend ce qu’on entend par divinité. Le christianisme originel repose sur la foi dans la Résurrection de Jésus et non sur la Trinité, qui est une élaboration plus tardive. Rien ne permet d’affirmer que les premiers chrétiens, les contemporains de Jésus, aient cru en sa pleine divinité. Ils ont cru qu’il était l’envoyé de Dieu, qu’il avait un lien unique avec lui. J’aime la formule de Paul : « Il est l’image du Dieu invisible. » On peut donc, à mon sens, être chrétien, comme les apôtres, en croyant que Jésus est fils de Dieu sans pour autant le considérer comme Dieu. L’idée de l’incarnation apparaît à la fin du Ier siècle, et celle de la sainte Trinité émerge au cours du IIe siècle pour devenir un dogme avec les différents conciles au cours du IVe siècle. C’est une tentative d’explication rationnelle du mystère du Christ, lequel a toujours été perçu comme un « pont » entre Dieu et les hommes. Je ne renie pas la formule trinitaire, mais je crois qu’il ne faut pas la prendre pour un absolu. D’une part, parce qu’elle a été élaborée et affinée dans un contexte politique qui a parfois joué un rôle important dans certaines décisions. L’exemple le plus frappant est le concile d’Éphèse, en 431, qui a condamné Nestorius – le patriarche de Constantinople qui récusait l’expression de Marie « mère de Dieu » – dans des circonstances incroyables qui relèvent plus du polar théologique que du souffle de l’Esprit-Saint ! D’autre part, et surtout, parce que Dieu est ineffable. Je pense qu’on ne peut rien dire de ce qu’il est dans son essence, et je rejoins la grande tradition apophatique, de Denys à Maître Eckart, qui affirme qu’on ne peut rien dire de Dieu, sinon ce qu’il n’est pas. Même saint Thomas d’Aquin, à la fin de sa vie, disait qu’il voulait brûler ce qu’il avait écrit, car il considérait que c’était « comme de la paille » par rapport à ce qu’il avait contemplé du mystère indicible de Dieu. Ma foi chrétienne repose sur le lien personnel que j’entretiens avec Jésus ressuscité, un Christ qui me conduit au Dieu ineffable, plus que sur la croyance en des formulations théologiques, aussi respectables soient-elles.

Réponse de BERNARD SESBOÜÉ. Oui. La divinité du Christ au sein du mystère trinitaire est ce qui fait tenir ou tomber la foi chrétienne. D’ailleurs, les contradicteurs des chrétiens, comme le païen Celse, en témoignent à leur manière, en s’en prenant ouvertement à la thèse de l’incarnation, qu’ils jugeaient comme le point central de la foi chrétienne. L’originalité fondamentale de celle-ci n’est pas d’affirmer que Dieu existe, mais qu’il s’intéresse à l’homme au point de partager sa condition en Jésus. Cela change tout : cela veut dire qu’il rejoint l’humanité de la naissance à la mort. Jésus n’est pas un simple intermédiaire entre le ciel et la terre. Il nous permet une véritable communion au monde divin. En priant Jésus, je suis en communion avec Dieu. Si Jésus n’est pas Dieu, c’est comme si je m’adressais à un très grand saint, mais c’est tout.
Sur cette affaire, il ne faut pas prendre les mots de façon littérale ou minimaliste, comme le fait Frédéric Lenoir. Quand on dit que Jésus est le « visage » de Dieu, ou son Fils, ou le Seigneur, le théologien qui est au courant de la portée du langage biblique sait par tout le contexte qu’il s’agit de métaphores de la vraie divinité de Jésus. Cette affirmation pose le paradoxe de penser ce qui est absolu au sein même de ce qui est contingent.

* Leurs derniers livres :
- Comment Jésus est devenu Dieu, Fréderic Lenoir, Fayard, 19,90 €.
- Christ, Seigneur, et Fils de Dieu. Libre réponse à Frédéric Lenoir, de Bernard Sesboüé, Lethielleux, 13 €.

samedi 19 juin 2010

Michel Servet dans la pièce d'Ugo Rizzato


Dans la pièce historique d'Ugo Rizzato "Georges Biandrata, le renard et le lion", mise en scène par Valter Scarafia et jouée par la compagnie du Théâtre du Marquis (Saluzzo, Piémont, Italie) (lien). Ici, Michel Servet (joué par Ugo Rizzato lui-même), dans sa prison, reçoit la visite de Guillerm Farel (joué par Franco Bellino), pasteur réformé et bras droit de Jean-Calvin.

La conviction sincère et têtue de l'accusé et la morgue de l'inquisiteur. Tout cela parce que Michel Servet n'était pas favorable au baptême des jeunes enfants (le pédobaptême) et qu'il ne trouvait pas le dogme trinitaire dans le Nouveau Testament, ce qui est tout à fait exact (voir le récent billet de Michel Théron dans Golias-hebdo, rubrique "le blog du sacristain", intitulé "Trinité") !

Avec Michel Servet (brûlé vif à Champel, hors des murs de Genève) et d'autres anti-trinitaires emprisonnés et exécutés, l'unitarisme a ses martyrs. Elle en garde le souvenir ; elle en fait souvenance ; ce sont ses racines historiques. L'unitarisme a une histoire héroïque avec des personnalités dont elle est légitimement fière (voir notre site documentaire de La Besace des unitariens) et qui jalonnent son développement dans le temps et dans l'espace. Le dernier martyr fut le révérend Norbert Capek, gazé au camp nazi de Dachau en octobre 1942 (le culte des unitariens de ce mois de juin lui rend particulièrement hommage).

Une tradition est faite de personnes qui y croient et s'y consacrent.

Source : http://actua.unitariennes.over-blog.com/categorie-11383551.html

vendredi 18 juin 2010

Genève : une plaque explicative à la stèle Michel Servet


La Ville de Genève vient de compléter le monument expiatoire à la mémoire de Michel Servet qui, à l’occasion du 350e anniversaire de sa condamnation, avait été érigé en 1903 sur l’emplacement présumé de son bûcher, par une plaque explicative.


En rappelant les propos de Sébastien Castellion, contemporain de Jean Calvin, celle-ci, non seulement apporte des informations mais rectifie aussi l'affirmation de la stèle selon laquelle il s'agissait d' "une erreur de son temps". Or l'erreur fut bien d'abord celle de Jean Calvin qui via ses relations dénonça Michel Servet à l'Inquisition catholique, ce dernier habitant Vienne (en France), puis le fit arrêter lorsque qu'il s'aventura à Genève (c'est son domestique qui servit alors d'accusateur), mena bel et bien un procès inquisitorial, s'y acharna manifestement jusqu'à donner lieu au soupçon d'un règlement de compte personnel, le justifia par la suite haut et fort par un libelle et en fit une théologie de la condamnation de l'hérésie avec appel au bras séculier. L'opinion publique constata (soit pour applaudir, soit pour réprouver) que les protestants, en la matière, faisaient comme les catholiques !


Voici ce que dit cette plaque dont on ne peut que souligner l'opportunité.

Michel SERVET, (1509 ou 1511 – 1553), médecin et homme de science espagnol, né à Villanueva de Sigena, province de Huesca, région d'Aragon. On lui reconnaît la découverte de l’oxygénation du sang. Il publia plusieurs ouvrages théologiques, refusant la trinité et le baptême des enfants, qui furent jugés blasphématoires par les catholiques et les protestants de son époque.
Il chercha à faire reconnaître ses idées par Jean CALVIN, sans succès. Condamné à mort par les autorités de la Ville de Genève, pour hérésie, il fut brûlé le 26 octobre 1553.
Sébastien CASTELLION, régent du Collège de Rive, exilé à Bâle, s’éleva en défense post mortem contre le traitement subit pour hérésie et écrivit : «Tuer un homme, ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois tuèrent Servet, ils ne défendirent pas une doctrine, ils tuèrent un homme
Ce monument, commandé à l'initiative d'Emile DOUMERGUE, historien français, doyen de la faculté de théologie de Montauban, est gravé sur les deux faces.


Source : http://actua.unitariennes.over-blog.com/article-geneve-une-plaque-explicative-a-la-stele-michel-servet-52500932.html

samedi 5 juin 2010

Le spectacle « conscience contre violence » en DVD



J'avais déjà eu l'occasion de parler de la pièce dans un précédent message (voir juin 2008 dans les archives du blog).


La troupe Tous Azimuts met à la disposition du grand public un enregistrement sous forme de DVD.


Pour le recevoir il suffit d'en faire la demande par courrier à la troupe accompagné d'un chèque de 8,- € (coût du DVD + frais de port par lettre suivie) à l'adresse suivante :

Cie Tous Azimuts

1 bis rue du Danemark

59100 Roubaix


IMPORTANT : Envoyez préalablement un mail pour connaître le montant du coût d'expédition en fonction de l'augmentation des tarifs postaux à : contact.tousazimuts.th@orange.fr ou tousazimuts.th@wanadoo.fr


Ce spectacle nous fait voyager dans le temps, nous ramenant à deux époques d'intolérance et de persécution.

Celle de la Genève de Calvin, théocratie puritaine ne souffrant d'aucune critique en matière de croyance, dont la persécution des hommes jugées hérétiques ira même jusqu'à les faire périr au moyen du glaive et du feu pour certains, et une autre plus proche de nous, celle de la barbarie nazie qui, au nom d'une idéologie de la supériorité, ôtera la vie à des millions de Juifs et aussi d'hommes et de femmes que le parti considérait comme nuisibles.


La pièce est une adaptation libre du livre de Stefan Zweig qui retrace la vie de Sébastien Castellion, jadis compagnon de Jean Calvin mais que celui-ci bannira de Genève après qu'il eu affirmé ses divergences d'opinion avec le « grand réformateur ».


Castellion devra se réfugier à Bâle où il mènera une vie compliquée, subira l'humiliation de ne pouvoir exercer son métier d'enseignant en lettres pendant une assez longue période de temps au point d'en être réduit à travailler comme ouvrier d'imprimerie et à ramasser du bois dans les cours d'eau.

Passant son existence entre un avenir incertain et la critique venu de Genève qui rêve de sa perte il mourra encore jeune d'épuisement.


Le spectacle à donc pour soucis principal de mettre en parallèle les discours du « Pape de Genève », imprégnés de certitudes et de brutalité et ceux de l'exilé de Bâle, pleins de sève et d'humanité.


Liens :


http://tousazimutsletheatre.fr/spectacles03.html


http://www.dailymotion.com/video/x20pve_castellion-contre-calvin-conscience_creation


http://libertedecroyance.blogspot.com/2008/06/conscience-contre-violence-castellion.html


mercredi 2 juin 2010

Le monument Michel Servet à Paris

Un peu d'histoire autour de ce monument érigé en 1908 situé Square de l'Aspirant Dunnant à Paris face à la mairie du XIVème arrondissement et au contexte plutôt surprenant.

Confiée « à la garde du peuple », comme on peut le lire sur son socle, la statue est l'initiative non d'un comité de libre penseurs ou de protestants repentants mais du catholique Henri Rochefort, républicain d'origine aristocratique (de son vrai nom Henri de Rochefort-Luçay), journaliste polémiste et homme politique (membre du Gouvernement de la Défense nationale à la chute du Second Empire) qui s'est illustré lors de la Commune de Paris mais qui se rapprocha progressivement du boulangisme et de l'extrême droite. Il fut notamment du camp des anti-dreyfusards, un changement radical chez celui qui fut tant l'ami de Victor Hugo.

Pourquoi donc un catholique nationaliste souhaita-t-il ériger une statue en l'honneur d'un homme qui inspira la libre pensée et qui, condamné pour hérésie, finit brûlé en effigie par le clergé ?
Souvenons-nous que ce sont les protestants qui ont brulé Servet pour de vrai, alors qu'il était finalement l'un des leurs.
L'image fratricide était idéal pour lancer un message aux protestants d'Alsace et de Lorraine qu'il accusait d'avoir soutenu l'Allemagne en 1870 et d'avoir ainsi fait perdre les deux régions à la France.
Qui plus est le radicalisme de Servet qui ne renonça pas à ses idées au risque d'y laisser sa propre vie pouvait servir de message de propagande aux nationalistes qui rêvaient de revanche.

Son sculpteur Jean Baffier, d'origine berrichonne, était lui aussi catholique. C'était un homme connu pour ses idées réactionnaires, voir anti-sémites et fut un fervent défenseur du régionalisme. D'ailleurs il créa en 1888 dans le même arrondissement parisien la « Société des Gâs du Berry et aultres lieux du Centre ». Il écrivit pour le Journal du Cher, la Dépêche du Berry et fonda même son propre journal en 1886 Le Réveil de la Gaule.

La ville de Bourges a conservé deux croquis d'étude pour le monument à Servet que l'on peut voir en photo ci-contre. Les dessins sont exposés au musée du Berry.
On y retrouve la statue en elle-même mais également une copie de la célèbre gravure de Christopher Sichem datant de 1607 qui devait apparemment servir de modèle pour le monument.
Cette étude représente Servet la main droite le long du corps et la gauche sur le cœur. Finalement Baffier le sculpta les deux mains croisées en haut de la poitrine et portant des chaines comme sur le second croquis.

Un monument qui pourrait prêter à controverse mais dont on ne retiendra que la présence de l'homme Servet, le martyr devenu symbole de liberté, et non la récupération qu'ont cherché à en faire des acteurs de l'intolérance aux cœurs chargés de haine. Pour preuve Chrétiens unitariens et libres penseurs se recueillent auprès du monument depuis plusieurs années...

Liens :

Croquis n°1 sur le site Joconde


Croquis n°2sur le site Joconde


http://prolib.net/pierre_bailleux/unit/cu060.servet_paris.htm


http://actua.unitariennes.over-blog.com/article-29622675.html


dimanche 30 mai 2010

Le pasteur Chenevière, contre la Trinité et pour l'usage de la Raison

Quant à moi, je n'en trouvai pas trace dans les Écritures saintes. (...)
Exiger que cette acuité de l'esprit de tous ceux qui doivent être sauvés, ce serait — du moins à mon sens — fermer la voie du salut à la plus grande partie des hommes.

Sébastien Castellion, De arte dubitandi, Livre II, De la Trinité


De tous les bastions du protestantisme Genève en est surement le cœur

Si elle fut la patrie de la forme la plus stricte de la religion réformée en Europe - Calvin, Farel, Bèze et Knox en firent une théocratie puritaine au 16ème siècle - elle fut aussi le théâtre de la naissance d'un protestantisme dynamique et progressiste. Un certain homme, le pasteur Chenevière, en fut l'un des principaux protagonistes.


Jean-Jacques-Caton Chenevière est né le 20 décembre 1783 à Genève. Fils du pasteur Nicolas Chenevière il étudiera les lettres et la philosophie. En 1801 il devient franc-maçon et en 1802 il entame une carrière de théologien. Ayant obtenu son diplôme de pasteur en 1807 il officiera en Suisse d'abord (Dardagny) puis en France (Marseille, Paris)

En 1812 il se marie à Genève et officie dans la ville puis en 1813 il est nommé missionnaire diplomatique auprès du Grand-maitre de l'Université impériale.

Finalement en 1814 il est nommé pasteur à St-Pierre (Genève).

Le théologien libéral qu'il est s'impliquera à partir de cette époque très fortement dans la politique, ce qui lui vaudra au départ quelques foudres.

En 1815 il est aumônier du contingent genevois et en 1817 il est nommé professeur de dogmatique et de morale à l'Académie (trois fois nommé recteur entre 1825 et 1858).

Chenevière est un théologien-écrivain dont les œuvres conservées à Genève s'élèvent à 44.

Entre autre chose il est le fondateur du journal Le Protestant de Genève (devenu par la suite Le Protestant, aujourd'hui refondu avec le magazine Évangile et Liberté)


Ce qui est intéressant dans la position de Chenevière c'est qu'il est à la fois un libéral – il sera LE grand opposant du « Réveil »*, le méthodisme** s'implantant de plus en plus fortement au sein de l'Église Réformée de Genève – avec tout ce que cela suppose dans le contexte d'alors, mais il est également un homme très attaché à l'autorité et à l'inspiration divine de la Bible.

C'est à cause de son positionnement qu'il sera en conflit à la fois avec les partisans du Réveil et avec les plus farouches libéraux très attachés à la critique***, trop selon son avis.

Bien sûr il ne sera pas sur le banc de touche quand il s'agira de s'en prendre à l'influence restaurée du catholicisme à Genève, spécialement dans les affaires politiques et sociales.


Ce que souhaite Chenevière au fond est très simple : que le protestantisme, tout en conservant l'autorité de l'Écriture Sainte, se débarrasse des « causes qui retardent chez les réformés les progrès de la théologie » pour reprendre le titre d'un de ses discours prononcé en 1819.

Parmi ces « causes » on peut citer par exemple le rejet de l'usage de la raison, l'emploi immodéré de l'autorité des pères de l'Église, des traditions, des confessions de foi et des anciens réformateurs, la passion pour les systèmes théologiques complexes qui creusent un véritable fossé entre les docteurs et le message évangélique.

En somme pour Chenevière, bien qu'il sache conserver un esprit objectif envers la personne du grand réformateur de Genève, le monde protestant doit en finir avec le calvinisme.


Il est évident que si des hommes comme Sébastien Castellion et Michel Servet ne pouvaient être inconnus du pasteur Chenevière, leurs œuvres respectives ne pouvaient encore moins ne pas compter pour lui.


Les travaux qui nous intéressent ici sont surtout sa série de 6 essais théologiques dont le premier volume est consacré à la question trinitaire.

Voici la liste détaillée des volumes :

Du système théologique de la Trinité,

De la dépravation héréditaire de l'homme,

De l'usage de la raison en matière de foi,

Des confessions de foi,

Des bienfaits de Notre Seigneur Jésus-Christ,

De la prédestination et de quelques autres dogmes calvinistes.


Dans son essai sur la Trinité, Chenevière s'emploie à démontrer que le dogme formulé à l'issu des conciles n'est pas en conformité avec la Bible, ne reflète pas la pensée des pères apostoliques, s'oppose à la raison, laquelle est un don de Dieu et qu'il n'y a nul besoin de croire en la Trinité pour obtenir le salut mais que celui-ci s'obtient en pratiquant l'amour envers envers son prochain ainsi qu'en faisant la volonté du Père (Notons que Castellion avait déjà souligné tout cela). Il réagi également aux conclusions de divers théologiens trinitaires de son temps qu'il cite abondamment.


Pour plus de détails sur J.J.C Chenevière je vous renvoi à l'article de Marc Chenevière (son arrière-arrière-petit-fils) : « Jean-Jacques-Caton Chenevière en 1831, au miroir de sa correspondance » publié dans l'ouvrage collectif « Genève protestante en 1831 » (Actes du colloque tenu en commémoration des 150 ans de la création de la Société Évangélique de Genève et de la parution du journal Le Protestant de Genève), publié au éditions Labor et Fides (1983). Il est toujours disponible.


Consulter l'article « Jean-Jacques-Caton Chenevière en 1831, au miroir de sa correspondance » en aperçu limité (page 91) :


http://books.google.fr/books?id=6-xi0O2QeVsC&pg=PA91&lpg=PA91&dq=Gen%C3%A8ve+protestante+en+1831+chenevi%C3%A8re&source=bl&ots=0USeRItpTK&sig=WCqtyXH-bHRx00DUk_WBJyMy87c&hl=fr&ei=gA_9S5-2MpKO4gbG-qyhCw&sa=X&oi=book_result&ct=result&resnum=1&ved=0CBUQ6AEwAA#v=onepage&q=Gen%C3%A8ve%20protestante%20en%201831%20chenevi%C3%A8re&f=false


Sont également disponibles certains de ses ouvrages sous forme électronique sur Google Livres ou en réimpression sur ces sites :


Format électronique


http://books.google.fr/books?as_q=Jean-Jacques-Caton+Chenevi%C3%A8re&num=10&btnG=Recherche+Google&as_epq=&as_oq=&as_eq=&as_brr=1&as_pt=ALLTYPES&lr=&as_vt=&as_auth=&as_pub=&as_drrb_is=q&as_minm_is=0&as_miny_is=&as_maxm_is=0&as_maxy_is=&as_isbn=&as_issn=


Réimpressions


http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?an=Chenevi%C8re%2C+Jean-Jac&sts=t&x=80&y=13


http://www.abebooks.fr/servlet/SearchResults?an=chenevi%E8re+jean-jacques&sts=t&x=95&y=10


Article consacré à l'union du Protestant (de Genève) et d'Évangile et Liberté :


http://www.evangile-et-liberte.net/article_280_evangile-et-liberte-et-Le-Protestant


* Le « Réveil » est un mouvement de réaction né au sein du protestantisme, en terre britannique d'abord puis étendu au reste du monde protestant. Il est un effort de retour aux dogmes d'avec qui les églises d'alors tendaient à prendre des distances. Le Réveil trouve son pendant moderne dans les églises évangéliques dites « fondamentalistes ». Il est en opposition avec le « Libéralisme évangélique » qui prône une lecture des Textes Sacrés dégagée de tout dogmes, tend à rejeter l'autorité des docteurs de l'Eglise et des conciles et encourage une pratique du culte s'accompagnant de l'usage du cœur et de la raison.

**Le méthodisme est une église fondée au 18ème siècle par le prédicateur anglais John Wesley (1703-1791). Elle a fleurie en Angleterre et aux E-U mais a aussi fortement influencée les églises protestantes dans le reste du monde.

***La critique en théologie est une lecture scientifique du texte de la Bible qui tend à en révéler les faiblesses sur le plan historique et littéraire. Elle est considérée par certains comme un progrès mais par d'autres comme un obstacle à la foi.


mardi 4 mai 2010

Comment Jésus est devenu Dieu par Frédéric Lenoir

Frédéric Lenoir est philosophe, directeur du magazine « Le monde des religions » et producteur de l'émission « Les racines du ciel » diffusée sur France Culture.

Fidèle à sa passion, l'auteur spécialisé dans les questions de religion nous livre ici le fruit de son travail sur la question de la divinité du Christ.

Comment les textes chrétiens, ceux de la Bible et des Pères de l'Église, ont présentés Jésus au fil des premiers siècles et comment les conciles appuyés par le pouvoir politique ont tranchés la question.

Il nous fait part de son opinion personnelle, nous remémore au passage l'avis des historiens et de la critique, le tout avec le soucis d'être entendu par tous, ceux qui maitrisent le sujet mais aussi ceux qui connaissent mal le judaïsme, la Bible et les traditions de l'Église.

Un beau livre, un récit qui nous ramène aux origines du christianisme, Jésus tel que les hommes l'ont décrit mais aussi tel qu'ils l'ont voulu...

Site internet de Frédéric Lenoir : http://www.fredericlenoir.com

Vidéos avec Frédéric Lenoir : http://video.google.fr/videosearch?hl=fr&safe=off&rlz=1G1GGLQ_FRFR304&q=Fr%C3%A9d%C3%A9ric%20Lenoir&um=1&ie=UTF-8&sa=N&tab=wv#

Ouvrages sur le même sujet :

Richard E. Rubenstein, « Le jour où Jésus devint Dieu »

Gérard Israël, « Jésus est-il Dieu ? »